La basilique Sainte-Anne d’Apt
Édifiée au cœur de la cité antique, la cathédrale d’Apt est le principal lieu de culte de la ville, mais également son premier centre d’intérêt patrimonial et touristique.
Une cathédrale au cœur de la cité antique
La cité d’Apta Julia est créée par Jules César ou par les triumvirs vers 45 – 30 av. J.-C.
Cette future colonie latine est installée à un endroit permettant un contrôle aisé de la voie domitienne, axe routier majeur reliant l’Italie à l’Espagne. Dès sa création, Apta Julia est dotée de toutes les institutions civiles et religieuses d’une ville romaine de province : forum, théâtre, temples etc.
Après une période de troubles au milieu du IIIe siècle, se traduisant par une baisse démographique et l’abandon d’une partie de la ville, une renaissance urbaine s’amorce dès le début du IVe siècle.
C’est à ce moment qu’est attestée pour la première fois la présence d’une communauté chrétienne à Apt. Celle-ci, même si elle est vraisemblablement déjà structurée puisque représentée au concile d’Arles de 314, n’est probablement pas encore être le siège d’un évêché.
La première mention historique d’un évêque à Apt, Castor, n’apparaît qu’un siècle plus tard, dans une lettre du pape Boniface en 419.
S’il est certain que la cathédrale s’est insérée au cœur de la cité antique, entre le théâtre et le forum, il est difficile de dater avec précision l’installation du premier édifice de culte chrétien. Même si les données archéologiques récentes confirment la présence d’un édifice public important sur la scène du théâtre antique au IVe siècle, les premières attestations réelles de l’existence, à cet emplacement, de deux églises dédiées respectivement à sainte Marie et saint Castor remontent au VIIIe siècle.
La traduction architecturale du culte des saints
Les dévotions aux reliques aptésiennes, évoluent au cours des siècles. Avec elles, la ville et surtout son principal lieu de culte, se transforment et s’adaptent aux nouveaux besoins.
Au milieu du XIe siècle, une cathédrale double, sous les mêmes vocables, remplace les deux églises dédiées à la Vierge et à Castor. Le chantier débute vers 1050 et se poursuit jusqu’à la fin du siècle.
L’église fait de nouveau l’objet d’un grand chantier entre la seconde moitié du XIIe siècle et le premier quart du XIIIe siècle. La cathédrale actuelle conserve l’essentiel des élévations de ce monument du second âge roman.
Durant les XIIIe et XIVe siècles, le vocable de Castor s’impose pour la cathédrale, qui est alors dotée de nouveaux espaces de dévotion pour les reliques et d’un collatéral gothique au nord.
À partir de la fin du XIVe siècle, la dévotion à sainte Anne se développe. Ses reliques sont d’abord présentées avec celles d’Auspice, Castor et Martian dans une chapelle construite au début du XIVe siècle appelée trésorerie.
Son culte s’amplifiant, une nouvelle chapelle est érigée en son honneur à l’est de la première à la fin du XVe siècle. Il n’en reste aujourd’hui que peu de traces puisqu’elle fut remplacée au XVIIIe siècle par la sacristie actuelle.
Au XVIIe siècle, le culte de sainte Anne atteint son apogée et c’est à ce moment qu’est édifiée la chapelle Sainte-Anne ou chapelle royale, initialement conçue comme un édifice autonome.
Les aménagements du XVIIIe siècle concernent l’adjonction de chapelles latérales au nord, le rehaussement de la nef principale, l’aménagement de la façade et la création d’un nouveau chœur.
Les travaux réalisés au XIXe siècle portent sur la création de l’accès actuel aux cryptes, mais sont surtout le début d’une longue série de restaurations, qui se poursuivent encore aujourd’hui.
Le culte de sainte Anne à Apt
C’est à la fin du Moyen Âge, que le culte de sainte Anne prend son essor dans le christianisme d’Occident, dans le cadre du débat sur l’Immaculée Conception, la parenté du Christ et la Nativité de la Vierge.
La tradition orale constituée au XVIe siècle et largement reprise dans la littérature du XIXe siècle, rapporte que l’invention des reliques de la grand-mère du Christ a été faite par le jeune Jean, fils du baron de Caseneuve, en présence de Charlemagne.
Jusqu’au XIIIe siècle, le culte rendu à sainte Anne à Apt, demeure relativement confidentiel, avant de connaître un essor rapide à partir du XIVe siècle, période marquée par la présence des papes en Avignon.
L’évêque d’Apt Jean Fillet (1390-1410) obtient en 1404 un privilège du pape Benoît XIII qui proclame que le corps de la sainte repose bien dans la cathédrale d’Apt.
Le culte de sainte Anne est ensuite largement encouragé par les évêques aptésiens, souverains pontifes et cardinaux. Les offrandes abondent alors, permettant notamment d’entretenir la cathédrale.
En 1482, face à une épidémie, le conseil de la communauté d’Apt décide à l’unanimité dans sa séance du 24 juin de se vouer à sainte Anne, qui devient ainsi officiellement la sainte patronne de la ville.
Au XVIIe siècle, la dévotion de la reine de France, Anne d’Autriche, puis la construction de la nouvelle chapelle Sainte-Anne, participent à la diffusion de son culte.
A partir de juillet 1664, suite à la consécration de la chapelle royale et au transfert des reliques de sainte Anne et des autres saints patrons de la ville dans la niche reliquaire prévue à cet effet, les pèlerinages individuels ou collectifs se multiplient.
La dévotion à sainte Anne demeure importante même après la Révolution et durant tout le XIXe siècle. Ce culte se traduit notamment par l’offrande de nombreux ex-voto peints. Ceux-ci témoignent des bienfaits attribués à sainte Anne : protection contre les épidémies, guérisons miraculeuses suite à des maladies incurables ou de graves accidents, protection des marins, aide aux femmes stériles etc.
L’importance de son culte est telle que la ville a failli être rebaptisée « Sainte Anne d’Apt » en 1862. Ce projet divisa profondément les habitants de la ville en deux camps. Après deux pétitions opposées et un conseil municipal houleux, ce sont finalement les partisans du changement de nom qui obtinrent gain de cause… mais la décision ne fut finalement pas appliquée !
Depuis 1876, une statue dorée de la sainte, de 3 m de haut, orne le dôme de la chapelle Sainte-Anne et domine la ville.
En 1877, alors que le pape Pie IX vient d’élever l’église d’Apt au rang de basilique mineure, les grandes « fêtes du couronnement de sainte Anne » organisées du 8 au 10 septembre sont l’occasion pour les habitants et les visiteurs de découvrir cette statue, ainsi que celle en marbre représentant sainte Anne éduquant la Vierge réalisée par l’italien Benzoni et offerte à Apt par l’archevêque d’Avignon en 1874. Le nombre de hauts dignitaires ecclésiastiques et la foule de visiteurs venus à cette occasion (certaines sources parlent de 15 à 20 000 personnes) témoignent de l’importance du culte dans les années 1870.
Le trésor de sainte Anne
La dévotion aux reliques de sainte Anne et des autres saints patrons de la ville a abouti à la constitution de ce que l’on appelle un trésor d’église. Celui-ci réunis des objets de dévotion, mais également des pièces qui se distinguent par leur richesse et leur intérêt esthétique.
Initialement conservé dans la niche aux reliques de la chapelle Sainte-Anne, le trésor associe les reliquaires en eux-mêmes, aux dons de laïcs ou du clergé. Il est aujourd’hui installé dans la sacristie de la chapelle Sainte-Anne.
Même si le trésor a souffert de la période révolutionnaire, plusieurs pièces ont été épargné, souvent parce qu’elles n’étaient pas réalisées en métal précieux.
Suite à la révolution, le trésor de sainte Anne a continué d’être enrichi, notamment par l’adjonction de pièces provenant des couvents aptésiens supprimés. Ainsi, le trésor de la basilique d’Apt conserve plusieurs objets liés au culte de saint Elzéar et Delphine, tels que le livre d’heures de la bienheureuse Delphine (XIVe siècle), une statuette de l’Enfant Jésus (XIVe siècle), des statuettes en albâtre qui ornaient le tombeau des deux époux (XIVe siècle).
Le trésor conserve également des châsses reliquaires, dont une en émaux de Limoges du XIIe siècle, des coffrets de mariage du XIVe siècle réalisés en bois stuqué et polychromé et un coffret en ivoire du XIIIe siècle.
Au trésor traditionnel sont venus s’adjoindre des pièces liées aux célébrations liturgiques, telles que des chasubles, des chapes, des voiles de calice ou des éléments d’orfèvreries.
La pièce la plus remarquable du trésor de la basilique d’Apt est le « voile de sainte Anne », relique de contact, qui est un tissu fatimide, fabriqué à Damiette à la fin du XIe siècle et qui a très vraisemblablement été rapporté par l’évêque d’Apt ou des nobles aptésiens lors de la première croisade.